Football
Football / Schirrhein-Toulouse (demain à 15h au Parc des Sports de Haguenau)
Livreur d'effervescence
Sylvain Kettering, 25 ans, chauffeur-livreur, ressent au quotidien les effets de l'invraisemblable épopée de Schirrhein en Coupe de France. Le gardien titulaire du club amateur de l'année ne passe pas une demi-heure sans recevoir les félicitations d'un de ses clients.
« Ramsès ? La première fois que je l'ai vu, je ne faisais pas le fier. Mais j'ai dû l'adopter. C'est un gros nounours gentil et affectueux... » Il est 7 h quand le doberman de Karima, la compagne de Sylvain Kettering, s'étire. 7 h, c'est aussi l'heure à laquelle le gardien titulaire de Schirrhein avale son café, dans sa petite maison de Niederbronn-les-Bains. Avant de griller sa première cigarette, « la meilleure ». Ses journées, dit-il, ressemblent à une « course contre la montre ».
Chauffeur-livreur, il refuse un quelconque « traitement de faveur » dans son entreprise, « parce qu'il n'y a pas de raison que les autres fassent le boulot à ma place pendant que je bénéficie d'allégements ».
« Je ne me levais
pas le matin »
Il est comme ça, Sylvain Kettering. L'exploit contre Clermont, les sollicitations des médias, les félicitations qui viennent de toutes parts, ne lui ont pas fait perdre la raison.
8h, arrivée au dépôt. Une affiche de soutien et une écharpe de Schirrhein ornent les vitres. Un de ses collègues le chambre : « D'habitude, il doit faire signer ses livraisons. Maintenant, c'est le contraire ! » Sylvain sourit, sans s'attarder. Des colis à amener à bon port, il en a une cinquantaine en moyenne par jour. Des meubles en pièces détachées, des fournitures de bureau... Le client, de l'agence de voyages au concessionnaire automobile, est roi. Et un retard de livraison n'est jamais bien perçu.
« J'ai reçu une formation de commercial et j'ai multiplié les expériences très moyennes, raconte-t-il. J'avais des difficultés à m'autodiscipliner. Parfois, je ne me levais pas le matin. Mon salaire dépendait de mes ventes. Je ne gagnais pas beaucoup car je ne bossais pas. »
Aujourd'hui, Sylvain, 26 ans le 24 février, a des objectifs précis, chiffrés. Bref, un contrat à remplir et une confiance à justifier. Né à Nehwiller-les-Woerth, il a habité à Haguenau de 2002 à 2005. Alors forcément, le secteur n'a plus beaucoup de secrets pour lui.
Dans sa camionnette de fonction, il allume la radio et cherche « Liberté », cette station alsacienne où l'hymne du FCE Schirrhein passe en boucle et sur laquelle le président Pierre Dillinger doit intervenir à 9 h. C'est à cet instant qu'il décide de s'accorder l'une de ses rares pauses de la journée.
« Je déteste être à la bourre
et je le suis sans arrêt »
Une chaîne sportive l'appelle pour un reportage ? Elle devra s'adapter à son rythme de travail. Une radio le sollicite pour un rendez-vous téléphonique ? Il aura lieu au volant de la camionnette.
« Les tournées sont difficiles à terminer, soupire le portier schirrheinois. Les gens me reconnaissent, ils voient ma tronche dans les journaux. Je perd du temps, je discute... Je déteste être à la bourre et je le suis sans arrêt. » Mais il le reconnaît lui-même : son histoire est tellement éphémère qu'il ne peut pas être usé par ce qui reste « quelque chose de super agréable à vivre ».
Avec ses clients, Sylvain a développé une relation de proximité. Les encouragements et les plaisanteries fusent sur son passage : « Merde pour samedi ! » « T'as pas les cheveux bleus toi ? » « T'as le droit d'encaisser un but, pas plus ! » « Tu sais qu'ici, tout le monde s'entraîne pour chanter samedi ? ». « Grâce à vous, je vis un rêve éveillé ! » lui lance un monsieur d'un certain âge en alsacien.
10h, chez un sous-traitant automobile, Sylvain croise son coéquipier Kévin Sortelle, régleur polyvalent, avec qui il échange quelques mots.
Avant midi, il a une bonne demi-douzaine de cartons à déposer. « Des gens appellent à la boîte pour savoir quand ils doivent passer des commandes pour que ça soit moi le livreur », explique-t-il, flatté.
« Je n'ai pas sauvé
le monde non plus ! »
Même débordé, il ne veut pas manquer le repas avec son président au restaurant "Chez Colette" à Schirrhoffen. Là-bas, il retrouve entre autres Julien Gast, l'ancien attaquant de Schiltigheim qui a vécu la fabuleuse aventure de 2003, quand le Sporting a atteint les quarts de finale de la Coupe de France. Les deux hommes, très amis, ont évidemment des choses à partager... Mais il faut faire vite. « Je suis obligé de prendre rendez-vous avec toi pour te voir », lui fait remarquer son pote Julien.
14h, l'engouement continue. « Il m'arrive de rouler et de revoir les images de notre exploit. D'un coup, je me réveille et je me rends compte que j'ai manqué la direction. »
« Je suis troublé, glisse encore le portier schirrheinois. Je n'ai pas sauvé le monde non plus ! Je ne suis pas une vedette, simplement un joueur de foot amateur qui a eu un peu de réussite. »
17h30, Sylvain livre son dernier colis. A l'institution Sainte- Philomène de Haguenau, son ancien lycée. Il est temps pour lui de filer à l'entraînement. Comme sur sa ligne de but, le chauffeur-livreur n'a pas tergiversé. On lui souhaite la même efficacité samedi.
Amaury Prieur
Football
Le grand témoin : Corentin Martins (RC Strasbourg)
Le multirécidiviste
Corentin Martins a soulevé, un soir de mai 2001 au Stade de France, la dernière Coupe de France remportée par le Racing. En spécialiste de l'épreuve, l'ex-capitaine alsacien évoque ses souvenirs avec une émotion intacte. Et souhaite bon vent aux petits gars de Shirrhein.
Il a porté la tunique tricolore à quatorze reprises, sillonné l'Europe sous le maillot auxerrois, bordelais et même strasbourgeois, ramené un titre de champion de France (1996) sur les bords de l'Yonne.
Corentin Martins a eu, comme qui dirait, une vie de joueur professionnel bien remplie. De celles dont beaucoup d'autres ont rêvé sans jamais en connaître le moindre frémissement.
« Le seul trophée que le
vainqueur pouvait soulever »
Le Finistérien, revenu dans sa région natale pour endosser les fonctions de directeur sportif au Stade Brestois, a vécu tout cela et pourrait s'en satisfaire paisiblement. Oui, mais voilà, ses plus grandes émotions, ses peines et ses joies, c'est la Coupe de France qui les lui a procurées. Et de loin. A trois reprises - en 1994 et 1996, année du doublé avec Auxerre, puis en 2001 au Racing -, Martins est allé au bout d'un rêve dont quelques élus, comme Schirrhein cette année, récupèrent de majestueuses gerbes de poussières.
Quand il s'agit d'évoquer ses souvenirs dans la compétition, même au lendemain de l'élimination des siens - 2-0 a.p. à Guingamp -, l'ancien meneur de jeu remonte le fil du temps. Jusqu'à l'enfance, genèse de sa passion avec la coupe.
« Quand j'étais gamin, c'était le seul "vrai" trophée qui existait, raconte-t-il. Le seul que le vainqueur pouvait soulever devant ses supporteurs. Cela me paraissait donc plus important que de remporter un championnat. Je retiens les images de liesse populaire. Une aventure en coupe mobilise beaucoup de monde. C'est la victoire de toute une région. »
« La communion avec
le public s'était faite
à la Meinau »
Plus tard, son regard d'enfant a pu être confronté à la réalité. Force est de constater que Martins n'a pas eu à déchanter, même si sa troisième et dernière levée lui a laissé un goût d'inachevé. Quand « Coco » brandit le trophée, en cette soirée du 26 mai 2001, le Racing de Pouliquen est depuis quelques semaines condamné à la relégation.
« La joie a été tronquée par la descente, rappelle-t-il. J'éprouvais un sentiment mitigé. On avait commis trop d'erreurs dans la saison pour avoir l'esprit tranquille. »
Le championnat est une chose, la coupe une autre. Malgré les déboires à répétition, Martins ne se voyait pas échouer si près du but : « Pour un joueur de Ligue 1, la coupe ne représente que six matches. C'est à la fois peu et beaucoup. Arriver en finale, c'est bien, mais pas suffisant. On ne retient que le nom des vainqueurs. »
« Clermont n'était qu'à 60%,
contre 120 pour les amateurs »
Ce soir-là, Amiens, alors deuxième du National, a donc été un finaliste valeureux qui a poussé Strasbourg à la séance de tirs au but (0-0, 5-4 a.t.b., dernière réalisation de Chilavert). Mais les Picards ne sont pas entrés dans l'histoire, offrant aux Bleus le troisième trophée après ceux de 1951 et 1966.
« La finale ne restera pas gravée dans les mémoires, sourit Martins. Dans ce Stade de France que nous découvrions, les supporteurs nous avaient réservé un tifo extra. La communion avec le public s'était faite aux tours précédents, à la Meinau, contre Lyon (3-0 en quarts) puis Nantes (4-1 en demies). Je me souviens que le club avait à ces occasions invité les anciens vainqueurs, à l'image de René Hauss. C'était en quelque sorte un passage de témoin entre deux générations. »
De son parcours personnel, celui qui a passé cinq saisons et demie sous le maillot bleu tire quelques conclusions. « Dans cette compétition, la différence se fait selon le pourcentage de motivation, assure-t-il. Cela nivelle un peu les valeurs. Pour expliquer l'exploit de Schirrhein, on peut toujours invoquer les conditions difficiles, le terrain gelé, etc. La vérité, c'est que Clermont n'était qu'à 60%, contre 120 pour les amateurs. »
Cette « aventure extra et inoubliable » que vivent les hommes d'Hervé Sturm ne doit, selon lui, rien au hasard : « On se rend compte que les petites équipes qui vont loin s'appuient souvent sur quelques jeunes passés par des centres de formation. Les entraîneurs sont aussi mieux formés. L'aspect physique, mental et tactique n'est pas négligé. »
Même si la montagne toulousaine qui se présentera samedi à Haguenau s'avère difficile à déplacer, Martins ne condamne pas d'avance les gars d'Alsace du Nord. Question sensation, il en connaît d'ailleurs un rayon. « Avec Bordeaux, on avait échoué en demies contre Calais, rigole-t-il. Quand tu es pro, tu prends une grosse claque. Heureusement qu'on va au bout avec le Racing l'an d'après ! »
« Ils ont le même but,
ils sont animés
de la même conviction »
De là à penser qu'un nouvel exploit est au bout des crampons schirrheinois, il est un pas que peu de gens osent franchir. « C'est un match de foot, il y a toujours une possibilité. Tout ce que je leur souhaite, c'est qu'ils prennent du plaisir. Je vois en eux la recette collective qui permet d'y croire. Ils ont le même but, ils sont animés de la même conviction. Rien n'est impossible » Si c'est Corentin Martins qui le dit...
Sébastien Keller
Football
Une place à 741 €!
LES PRIX MONTENT. - Sur un célèbre site de vente aux enchères, un billet du match Schirrhein - Toulouse FC est grimpé jusqu'à... 741 € hier à 18h30 avec 98 enchères.
Deux autres places ont été mises en vente: la première est proposée en achat immédiat à 100 €, la seconde en était à 73 € (25 enchères)
Rappelons que ces billets étaient vendus à 8 €.
ANNIVERSAIRE. - Steve Heit, le milieu offensif, a fêté mercredi soir au club-house d'Oberhoffen, où Schirrhein s'entraîne, son 26e anniversaire. Il a arrosé tout ça d'un bon crémant d'Alsace.
CASANOVA DÉTERMINÉ. - L'entraîneur de Toulouse, Alain Casanova, n'entend pas passer pour le dindon de la farce lors de ce tour. Hier, sous le feu nourri des journalistes venus demander si son équipe craignait le petit poucet Schirrheinois, il a lâché, agacé: «Mais vous me parlez de qui, du Real Madrid ou quoi? Non, mes joueurs n'ont pas peur. Ils sont costauds mentalement. On respecte Schirrhein, comme n'importe quel autre adversaire. J'alignerai donc ma meilleure équipe possible.»
MISE EN SITUATION. - Mercredi, le Téfécé a disputé une rencontre amicale à huis-clos, contre les moins de 18 ans du club. Histoire de se rapprocher au plus près, certainement, du niveau supposé des amateurs alsaciens, supervisés dimanche dernier à Oberhoffen par un émissaire haut-garonnais. L'affaire n'a pas fait un pli: victoire 7-0 pour les pros...
EBONDO, LE RESCAPÉ. - Le Toulousain Albin Ebondo est déjà venu deux fois en Alsace affronter des clubs amateurs en Coupe de France. A Schiltigheim, le 15 février 2003, il s'était incliné face au Sporting (0-3) en 8e de finale. A Geispolsheim, le 8 janvier 2005, il s'imposait face à Gambsheim (3-0). Samedi, le défenseur devrait d'ailleurs être titularisé.
L'équipe probable: Carrasso - Ebondo, Congré, Fofana, Mathieu - Capoue - Braaten, Sissoko, Sirieix, Bergougnoux - Gignac.
GROUPE. - Hervé Sturm a annoncé hier soir le groupe de dix-huit joueurs retenus pour le match : M. Balieux, Berling, Bonelli, Courdavault, Eckert, Fornecker, Granmasson, Hantz, Heit, Ighli, Kettering, Lerché, Marty, R. Martzolff, Rischmann, Roth, Sortelle, Wagner.
«Le choix du 18e homme a été à nouveau difficile à faire, a commenté Sturm. Pour le onze de départ, ce sera le même que face à Clermont.»
COULEURS.- Samedi pour le 16e de finale, Schirrhein conservera son bleu traditionnel alors que les Toulousains évolueront en blanc.
dna